Il y a des expériences uniques, des moments qui procurent un immense plaisir, au mépris de toutes les analyses rationnelles possibles.
Prenez l’essai d’une Rolls-Royce : Bien entendu vous trouverez des voitures plus performantes sans le moindre problème… Vous n’aurez pas besoin de chercher très longtemps pour trouver des voitures avec un contenu technologique plus important… Avec un petit effort, vous arriverez peut-être même à trouver des voitures aussi bien finies et aussi confortables… peut-être même pour moins cher.
Mais même si vous arrivez à cocher toutes les cases, rien n’est comparable au fait de voyager au volant d’une Rolls-Royce.
C’est quelque chose de difficile à décrire, tant ce plaisir est plus lié à des critères sensoriels qu’aux habituels critères techniques objectifs.
Par exemple, quand Rolls-Royce me propose d’essayer une Ghost Extended extended pendant 1/2 journée, j’avoue que je ne m’attendais pas à éprouver un tel plaisir. Parce que franchement, une voiture de 5m72 (17cm de plus que la version « standard », au bénéfice des places arrières) et d’un peu plus de 2,5 tonnes, c’est pas vraiment ma définition de la voiture plaisir. Et pourtant…
Tout démarre par la vue
Je fais le tour de cette Ghost et je suis ébloui par sa prestance. Je contemple sa ligne : un savant mariage du classicisme que l’on attend d’une Rolls avec un soupçon de modernisme. En effet, sans être une révolution, par rapport à la précédente génération de Ghost, on remarque des phares plus étirés, des lignes plus tendues.
Au final, avec cette teinte Imperial Jade et ce capot argent, le résultat est tout bonnement magnifique (à défaut d’être discret).
Et puis, j’ouvre la porte… enfin non, en fait, sur une Ghost, on n’ouvre pas les portes. On ne les ferme pas non plus d’ailleurs : tout est assisté. Si bien que j’actionne la poignée, et la porte s’ouvre d’elle même. Mais ce qui est vrai pour les portes est aussi vrai pour tout ce qui peut « bouger » :
- La tablette pour les passager arrières : motorisée.
- L’accoudoir de ces mêmes passagers : motorisé.
- La banquette rabattable (au cas où il vous prendrait l’envie d’aller chez Ikea avec votre Ghost) : motorisée.
En fait, je crois que la seule chose qui n’est pas motorisée est le rétroviseur intérieur… à moins que je n’ai pas trouvé le bouton pour le faire bouger.
Bref, une fois la porte ouverte, je contemple l’intérieur et là, dilemme et déception !
Dilemme car je ne sais pas si j’ai plus envie de m’installer à l’avant ou à l’arrière.
Déception car étant tout seul, je ne pourrai pas voir ce que ça fait que d’être passager d’un tel salon.
Et puis vient le toucher
Bon, on s’installe tout d’abord à l’avant… et là, la première surprise vient de l’épaisseur de la moquette. Cette moquette, épaisse et douce, serait peut-être plus à sa place dans ma chambre que dans une voiture. Les cuirs sont épais, les sièges (tous les sièges) d’un confort exceptionnel.
On a des vrais boutons, et pas juste un écran tactile comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas. Rien que pour la commande de climatisation, ça n’a l’air de rien, on prend du plaisir à manipuler la molette de réglage de température ! Mieux, les tirettes de réglage de la ventilation nous renvoient à un autre temps… non pas que l’ergonomie de cette Ghost soit passéiste, ni même qu’elle nous renvoie à une quelconque nostalgie. Non, je dirais plutôt que cette ergonomie est hors du temps… si bien que dans 40 ans, vous serez toujours au volant de cette Ghost, à vous délecter de ses commandes manuelles, à répéter ces mêmes gestes déjà effectués des milliers de fois… là où beaucoup d’automobiles modernes vous auront laissé devant un écran éteint faute de mise à jour d’un quelconque système d’exploitation.
Mais ne croyez pas pour autant que le contenu technologique de cette Ghost soit dépassé, c’est juste que vous n’y trouverez pas d’écran de 32 pouces avec de la réalité virtuelle augmentée, guidée par des lidars et des rétroviseurs caméras. Non, ici la technologie est utilisée avec parcimonie. Vous avez bien le GPS (le même que celui de ma Mini 2022), des radars de recul, un système de vision nocturne et bien entendu un système multimédia qui vous ferait oublier la chaîne HIFI de votre salon. Mais par contre, une Rolls n’est pas faite pour satisfaire les amateurs de gadgets.
L’odorat n’est pas en reste
Bon, je suis donc au volant, je ferme la porte (enfin, je le rappelle, j’appuie sur un bouton et regarde la porte se fermer)… et avant de démarrer, je respire un grand coup.
Ici, pas besoin de diffuseur de parfum pour se sentir bien. L’odeur du cuir, du bois, et même de la moquette, tout se mélange et nous renvoie à l’idée qu’on se fait des meilleurs salons anglais. Il nous manquerait qu’un bon verre de whisky pour être aux anges… ou pas, car on a quand même envie de rouler !
L’ouïe à l’honneur
Quand on parle de la bande son de la Ghost, il y a énormément de choses à dire.
Quand on met le contact, le V12 de 6L3/4 au ralenti fait un bruit assez sourd, mais pas vraiment flatteur. On garde donc les fenêtres fermées et on évolue à vitesse modérée (comprendre entre 50 Km/h dans les villages et 80 Km/h sur les départementales) le temps que le moteur chauffe. Je profite du système HIFI et du confort princier… et j’oublie le temps. Je fais défiler les kilomètres en profitant uniquement du plaisir de rouler. Le moteur est déjà chaud depuis bien longtemps quand un coup d’oeil à l’horloge du tableau de bord me ramène à la réalité et me rappelle qu’il faut tout de même que j’essaie sérieusement cette Ghost.
Oui, mais que dire ? Bon, comme il y a un article à écrire, j’appuie un grand coup sur la pédale de droite pour voir ce qu’il se passe. Je n’attends pas grand chose de cette expérience : c’est une Rolls, ça pèse 2,5 tonnes. Qu’y a-t-il à espérer ?
Et bien première erreur ! Ce V12 bi-turbo dispose quand même de 850 nm de couple, disponibles dès 1500 tours. Bref, avec la boite 8 rapports, on se retrouve avec une réactivité comparable à une voiture électrique. Mais ça ne s’arrête pas là, les 571 chevaux ne s’essoufflent pas… et la voiture, contre toute attente, garde une totale cohérence dans ses réactions. C’est étonnant d’avoir un tel confort à basse vitesse… et que ce confort reste identique en haussant le rythme. Jamais le moindre effet de pompage. Certes, les retours d’informations au volant sont… inexistants, mais la voiture peut rouler vite, tout en mettant en confiance. Alors le jeu trouvant vite ses limites, je ne vous parlerai certainement pas de l’endurance des freins : je n’ai pas pu tester. Enfin, pour finir de parler de l’ouïe, le son du V12 à pleine charge (vous savez, quand la jauge de puissance disponible affiche 0%) est plutôt sympa… assez loin de ce qu’on s’attendrait à entendre. Mais malheureusement (ou pas), l’insonorisation de la Ghost ne vous permettra pas de bien profiter des vocalises de ce V12.
Par contre, pour le goût, je n’ai pas essayé
Non, je n’ai pas essayé de lécher les sièges, ni rien d’autre ^^
En fait, j’ai pris tellement de temps et de plaisir à rouler avec la Ghost, qu’à un moment, je me suis rappelé que j’étais là pour essayer 2 Rolls-Royce !!!
Alors je hausse le rythme, retourne au Domaine Primard qui nous sert de camp de base (il y a pire comme cadre) et rend les clefs de la Ghost. Et, sans même prendre le temps de faire une pause déjeuner, je repars au volant d’une Rolls-Royce Cullinan blanc immaculé.
Un SUV Rolls-Royce
En 2022, toutes les marques se doivent de proposer un SUV. Que cette standardisation des formes plaise ou non au passionné d’automobiles que je suis importe peu, c’est comme ça ! Parfois, ça donne des choses un peu surprenantes : comme des SUV chez Ferrari ou Lamborghini, qui ne collent pas nécessairement avec l’image qu’on se fait de la marque.
Dans le cas de Rolls-Royce, un véhicule luxueux, confortable, qui donne autant de plaisir à conduire qu’à être conduit… pourquoi ne serait-ce pas un SUV ?
Alors je ne vais pas vous refaire tout le discours autour de l’habitacle car même si l’habitacle du Cullinan est différent de celui de la Ghost, la filiation est tellement évidente que ce qui est vrai pour l’un est vrai pour l’autre. Dans notre version du jour, on regrettera tout de même la vraie banquette arrière, qui offre certes une 5ème place, mais qui rend les places arrières bien plus ordinaires.
Au niveau de la ligne, les codes de Rolls sont respectés et globalement, s’il ne fait pas dans la finesse, la ligne est plutôt réussie. Certes, le Cullinan ne passe pas inaperçu, autant à cause du Spirit of Ecstasy qui trône fièrement sur le capot, que par les dimensions de l’engin.
Pourtant, à part en hauteur, ce Cullinan est une « petite » Rolls-Royce.
La plus petite des Rolls
Etoui, ça ne se voit pas, mais il est 15 cm plus étroit que ma Ghost du matin et carrément 35 cm plus court (bon, pour rappel, ma Ghost Extended était tout de même rallongée de 17 cm par rapport à une Ghost standard). Mais vu de l’extérieur, il m’apparait plus imposant… et vu les regards des automobilistes et passants croisés, il tape encore plus à l’oeil. Plus étonnant, même au volant, j’aurais eu plus de mal à cerner les dimensions, et j’aurais fait tout l’essai en ayant l’impression de conduire un véhicule de plus grande taille.
A conduire, forcément, avec un centre de gravité plus haut, le Cullinan se montre un peu moins agile que la Ghost. Mais ce qui m’a surtout choqué, c’est qu’on perd un peu la réactivité lors des accélérations. Il faut dire qu’avec 160 Kg de plus (pour s’établir juste en dessous des 2,7 tonnes), notre bon gros V12 a un peu plus de travail ! Pourtant, notre version Black Badge possède 29 chevaux supplémentaires (pour 600 équidés tout rond au final) et 50 Nm de plus que la Ghost, mais malgré cela, le 0 à 100 régresse de 4 dixièmes de secondes, pour s’établir à 5,2 secondes. Ce n’est en rien honteux, mais dans cet univers de perfection, le feeling au volant de la Ghost est immanquablement plus parfait.
Et maintenant, le bon de commande
Un essai ne serait pas complet si on n’évoquait pas le tarif des voitures essayées.
Les fiches techniques fournies mentionnent un tarif d’un peu moins de 400.000 € pour mon Cullinan. Le tarif de ma Ghost ? La fiche ne le précise pas (ce qui peut laisser penser que c’est « plus »).
Entre les deux, laquelle choisir ? Tout dépendra de l’usage : d’un côté le plaisir de conduire de la Ghost, de l’autre, la possibilité de tracter mon voilier avec le Cullinan… Non, vraiment, il faut prendre les deux !
En achèteriez-vous une ?
Le mot de la fin pour essayer de comprendre, au delà de l’aspect financier, qu’est-ce qui me ferait acheter une Rolls-Royce ?
Contrairement à ce que certains peuvent penser, en roulant dans une telle voiture, l’idée n’est pas d’épater son voisin ou je ne sais quoi.
Non, au même titre qu’une montre de luxe n’est pas faite pour épater la galerie, mais pour offrir à son heureux propriétaire le plaisir de posséder et d’utiliser un objet de qualité, ces deux Rolls-Royce sont une invitation au voyage, au plaisir de rouler, mais aussi à l’excellence de l’artisanat anglais. Comme je le disais en introduction, bien sûr vous pourrez trouver des voitures plus puissantes, plus performantes, plus confortables ou moins chères. Mais une Rolls-Royce offre une façon de flatter les sens qu’on ne retrouve pas ailleurs. Une façon de penser chaque détail de la voiture au service de ses occupants (et pas que du chauffeur) qui ne ressemble à rien d’autre.
C’est bien simple, bien que j’ai été seul durant l’essai de ces deux voitures, j’ai à chaque instant eu cette sensation qu’une sorte d’esprit bienveillant m’accompagnait et veillait à ce que je me sente bien durant mon voyage.
D’ailleurs, allez savoir, c’est peut-être cet esprit bienveillant qui trône sur le capot…