Un petit road trip entre Paris et la Côte de Jade, ça vous dit ? Qui ne serait pas enthousiaste à l’idée d’aller visiter le pays de Retz en passant par Le Mans, Nantes, Guérande… ? Pourtant, quand j’ai abordé le sujet autour de moi, les avis semblaient mitigés. Non pas sur la beauté de la région de Pornic, mais plutôt sur mon choix de monture : la dernière BMW M5 !
Et oui, pour les puristes, cette M5 est un sacrilège (après si on écoute les puristes, chaque nouvelle génération est toujours un sacrilège à sa sortie) ! Ne tournons pas autour du pot, à l’évocation de cette septième génération de version survitaminée de la berline bavaroise, tous les amateurs n’ont que deux mots à la bouche : TROP LOURDE.
Alors oui, 2,51 tonnes, c’est plus de 500 kg de plus que la génération précédente, mais avant de s’emballer, prenons le volant de cette M5.
La nouvelle série 5 G90
Qu’il est compliqué de vendre une berline en 2025 !
Revenons en 2000, à cette époque, la Série 5 E39 n’était équipée (en essence) que de modèles 6 et 8 cylindres. Ceci permettant de donner ses lettres de noblesse à la routière de la marque à l’hélice, et de coller à sa réputation de motoriste. Alors oui, le moindre moteur rejetait 200 g de CO2 au km, mais c’était une autre époque…
Époque révolue, si bien qu’aujourd’hui, le cœur de gamme des Series 5 est composé de moteurs 4 cylindres… oui, une routière motorisée par un moteur de Mini ! L’image en prend un coup. Mais, heureusement pour les puristes, BMW offre encore la possibilité de rouler avec des moteurs nobles, sans trop se faire taxer (en tout cas avant Mars 2025) grâce à la magie de l’hybridation.
Cette hybridation qui permet à une 550e d’être homologuée pour 20 g de CO2 au km est une réelle aubaine pour celui dont l’usage n’est pas compatible avec les modèles électriques.
Pourtant, en hybridant la M5, BMW prend un risque. Alors certes, ce risque est contenu du fait qu’ils conservent le V8 thermique (AMG semble regretter d’être passé au 4 cylindres sur la C63), mais ces 500 kg supplémentaires ???
Autant le dire tout de suite, sur les premiers kilomètres, le ressenti est catastrophique ! La M5 se révèle pataude. Entre gabarit global imposant (5,096 m de long par 1,970m de large hors rétroviseurs, soit 13 cm de plus en longueur et 7 cm en largeur) et poids, les choses s’annoncent mal.
Mais ne jamais oublier qu’une M5 ne se juge pas en 5 minutes !
En effet, les réglages sont nombreux, et il faut vraiment prendre le temps d’en faire le tour pour savoir comme régler la voiture en fonction de ses goûts personnels et des circonstances.
Bref, je n’ai la voiture que depuis 15 minutes que me voici déjà à parcourir les réglages… tout en continuant à rouler. Là, premier point positif de cette G90 : l’ergonomie.
Ergonomie : entre modernité et classicisme
Parlons un peu système d’exploitation : comme déjà évoqué notamment sur les essais Mini récents, je trouve l’OS BMW (OS 8.5 ou OS 9.0, peu importe) un peu fouillis. Mais une fois que l’utilisateur a pris le temps de paramétrer tous ses raccourcis, ce côté fouillis s’estompe. Ceci reste problématique quand on n’a pas le temps de tout paramétrer (voiture de location par exemple) ou quand on cherche une fonction qu’on n’utilise pas assez souvent, pour justifier de la mettre en raccourci.
La BMW M5 (et plus globalement la Serie 5 G90) n’échappe pas à la règle… mais par bonheur, elle conserve sa bonne vieille molette iDrive qui, à l’heure du tout tactile, fait vraiment plaisir. Grâce à elle, modifier les réglages en roulant, sans quitter la route des yeux est possible.
Finalement, même si la double dalle incurvée de la Serie 5 n’a pas « l’effet WHAOU ! » d’un hyperscreen Mercedes, à l’usage j’ai préféré l’ergonomie de la Serie 5, qui ne cède pas aux effets de modes au détriment de l’efficacité. En pratique, cette remarque vaut pour tout l’intérieur de cette Série 5 : tout est beau, bien assemblé, les matériaux sont de qualité, mais l’ergonomie et l’aspect fonctionnel priment.
Dans la M5, on dispose en plus de sièges spécifiques (très beaux, réglables dans tous les sens, mais qui mériteraient un meilleur maintien latéral compte tenu des capacités de la voiture). On trouve aussi le volant M avec non seulement des palettes au volant, mais surtout deux boutons raccourcis (M1 et M2) qui permettent de sélectionner en un éclair un de vos deux modes de conduite préférés. Personnellement, j’ai réglé le mode M1 sur un mode de conduite Sport et le mode M2 sur un mode radical. Ces boutons sont vraiment pratiques et permettent, une fois paramétrés, de ne plus trop aller dans les réglages de la voiture.
Design : brutalité assumée
À l’extérieur, la série 5 se veut massive. Il faut dire que compte tenu de ses dimensions imposantes, il aurait été difficile de faire autrement. Mais ce côté massif permet aux boucliers anguleux de la M5 de mieux s’accorder aux formes de la voiture que sur la dernière M2. Ici, le bouclier arrière s’intègre à la perfection aux lignes générales de la voiture, tout en laissant peu de place pour le doute quant aux performances de notre berline germanique. Et à l’avant, les imposantes entrées d’air disent clairement que la mécanique va devoir avoir besoin de respirer très fort.
Dans la livrée rouge de ma version d’essai, j’aurais attiré les regards, et plusieurs passants sont venus me demander de faire des selfies avec la voiture… bref, on est loin de la discrétion des premières générations de M5.
Au volant : agilité surprenante
Comme je le mentionnais en début d’article, les premiers kilomètres parcourus n’étaient guère encourageants. Rapidement, je passe les réglages du châssis et la direction en mode Sport (voire Sport + pour le châssis) et le mode xDrive en 4WD Sport (4 roues motrices, avec prédominance à l’arrière pour retrouver un comportement typé propulsion, permettant une légère mobilité du train arrière). Et là, j’ai l’agilité que j’attends d’une M5.
Et surtout, même en attaquant sur les petites routes sinueuses au cœur des marais salants de Guérande, le poids se fait oublier. Les vitesses de passage en courbe impressionnent pour une voiture de ce gabarit. C’est simple, là où je pensais que la grosse M5 aurait du mal à suivre la petite Lotus 2-Eleven (que vous pouvez apercevoir sur les photos), au final, cette M5 suivait sans difficulté, tout en s’échappant à chaque ligne droite grâce à son accélération fulgurante. Cette petite confrontation sur route ouverte aurait bien entendu mérité un second round sur circuit pour voir si en usage extrême, la M5 s’en sortait toujours aussi bien (pour le coup, malgré les disques de frein en carbone céramique, on peut imaginer que le freinage finisse par souffrir).
Même sur les réglages les plus radicaux, la M5 se montre prévenante, acceptant de légères dérives du train arrière facile à rattraper. On se sent vite en confiance et on hausse le rythme… seulement freiné par l’œil qui reste accroché au compteur de vitesse qui nous rappelle à l’ordre.
Car avec un 0 à 100 km/h en 3,5 s, et surtout un 0 à 200 km/h en 10,9 s, les limites légales sont rapidement pulvérisées. Et il est vrai que la prise de vitesse demande tellement peu d’effort à notre V8 hybride qu’il est bien difficile de se caler aux allures légales.
Quant au confort, il se montre ferme, mais jamais cassant, aucune fatigue, même en roulant toute la journée. Tout au plus, j’aurais préféré des sièges avec un meilleur maintien latéral.
Conclusion
Dire que j’ai aimé cette M5 est un euphémisme. Je l’ai tout simplement adoré, bien au-delà de mes attentes. Bien sûr, on pourra se dire que 160.000 € est une somme conséquente pour une série 5 et que pour beaucoup, une 550e (avec le mythique 6 cylindres en ligne, et aussi hybride) suffit amplement pour « juste » 85.000 €. Sans oublier que depuis le mois de mars 2025, les hybrides ne sont plus exemptées de malus au poids et que c’est un chèque de 14.000 € qu’il faudra adresser à l’état pour pouvoir s’offrir la M5.
Donc, avec un billet d’achat de 175.000 €, est-ce que savoir que j’ai pu descendre à 10,7 l/100 km sans taper dans la batterie est un réel argument ?
Et savoir que sa batterie de 18,6 kWh lui octroie une autonomie électrique réelle de près de 70 km est-ce vraiment important ?
En bref, est-ce que BMW n’aurait pas mieux fait de réduire un peu la taille (et donc le poids) de la batterie de la M5 pour offrir encore plus de sportivité, quitte à faire payer au client un peu plus de malus et de carburant ?
Bref, une fois la question du prix mise de côté, j’ai adoré cette M5 : sans doute la berline idéale du gros rouleur, qui associe sportivité, consommation maitrisée, capacité à avaler les kilomètres sans pareil.
Cependant, Pour un tarif similaire, est-ce que je ne préfèrerais pas m’acheter une 550e pour la semaine et une Alpine A110S pour le week-end ?
La concurrence
Pour ceux qui se rappellent, j’avais pris en main (pour les 55 ans d’AMG) la Mercedes-AMG GT 63 S E Performance Coupé 4 Portes.
La comparaison des deux voitures est intéressante et… surprenante.
L’AMG (qui n’est plus au catalogue et dont la remplaçante full électrique est attendue pour 2026) proposait 116 chevaux supplémentaires (pour un total de 843 chevaux), et était un peu plus légère (ou moins lourde), ce qui lui permettait d’avaler le 0 à 100 km/h en 2,9 s contre 3,5 s pour la M5. Mais au-delà de cette différence (loin d’être anodine), l’AMG se révélait être bien plus brutale, là où la M5 est étonnamment douce (pour une voiture de 727 chevaux). Mais à plus de 210.000 € l’AMG était bien plus chère que la M5.
M5 : retour sur la lignée
La 1ère M5 (E28) voit le jour en 1985. À l’époque, un gros 6 cylindres en ligne (3,5 L de cylindrée) sortant 286 chevaux suffit pour propulser les 1,43 tonne de la berline de 0 à 100 km/h en 6,8 secondes. Cette voiture n’a pas seulement donné naissance à la lignée des M5, elle a été une source d’inspiration pour toutes les berlines sportives qui ont vu le jour par la suite.
En 1988, la 2nde M5 (E34) reprend à peu près la même recette, mais avec un moteur plus gros (3,6 L puis 3,8 L, pour 315 et par la suite 340 chevaux), le poids grimpe à 1,67 tonne et le 0 à 100 km/h fond à 6,2 s (voir 5,9 s pour la version 340 chevaux). En face, la course à l’armement est lancée, et on retrouve la Mercedes E500 (W124), voir l’Audi S6 C4.
En 1998, la E39, la M5 abandonne le mythique 6 cylindres en ligne, pour se doter d’un V8. 5 L, 400 chevaux et surtout un couple impressionnant de 500 Nm à 3.800 trs/min. Ce moteur, plein à tous les régimes, propulse les 1,72 tonne de la M5 de 0 à 100 km/h en 5,3 secondes.
Puis, en 2005, la E60 marque les esprits avec son V10 « de formule 1 ». Bon, en pratique ce V10 de 5 L ne partage aucune pièce avec les monoplaces de l’époque, néanmoins, sa capacité de monter à 7.750 trs/min pour aller chercher ses 507 chevaux procure des frissons dignes d’une voiture de course. Et son chrono de 4,7 s pour faire le 0 à 100 faisait oublier les 1,83 tonne de cette génération de M5. Reste que le couple haut perché (520 Nm à 6.100 trs/min) dénotait quelque peu avec l’esprit Grand Tourisme qu’on attend d’une M5.
En 2011, la 5ème génération de M5 (F10) revient au V8, mais doté désormais d’une paire de turbos. La puissance grimpe à 560 chevaux, mais c’est surtout le couple qui atteint 680 Nm à un régime plus exploitable au quotidien de 5.750 trs/min qui marque un agrément en net progrès. Les performances progressent bien sûr, avec un 0 à 100 km/h en 4.4 secondes, tandis que le poids se rapproche des 2 tonnes (1,94 tonnes).
En passant à la F90, en 2017, le changement parait limité. Même moteur V8 bi turbo de 4,4 L, mais la puissance grimpe à 600 chevaux et le couple à 750 Nm. De plus, la M5 se pare dorénavant d’une transmission intégrale pour passer toute cette puissance. Et comme le poids reste stable, sans surprise, les performances s’envolent et le 0 à 100 km/h dégringole à 3,4 secondes !
Et nous voici en 2024, devant cette M5 G90. Le moteur reste le même, mais sa puissance descend légèrement, à 585 chevaux (le couple stagne à 750 Nm). Mais aux côtés de ce moteur thermique, on trouve désormais un moteur électrique, pour une puissance combinée de 727 chevaux et un couple de 1030 Nm. Malheureusement, malgré cette puissance impressionnante, le 0 à 100 km/h régresse à 3,5 secondes, du fait d’un poids qui explose à 2,51 tonnes !