Voilà ce qu’il se passe quand on accepte un essai sans lire les petites lignes. Pensez bien, aller essayer une Mercedes-AMG en Haute-Savoie, ça ne se refuse pas. Me voici donc parti dans mon beau TGV, direction la gare de Bellegarde où mon bolide m’attendra. Rien que d’y penser, je me frotte déjà les mains : le bruit du V8, les pétarades au rétrogradage, les pneus qui fument et l’air qui s’engouffre dans ma chevelure flamboyante.
Je descends donc du TGV et m’apprête à monter dans la navette qui me conduira à ma voiture de sport… et là, première surprise : on me confie les clefs de la dite navette. Alors je signale gentiment que non, je ne suis pas le chauffeur de la navette, mais que je suis là pour essayer une AMG.
Et d’un coup, je comprends… je n’essaierais pas un SL aujourd’hui, mais bel et bien la version SUV de l’EQE. Et qui dit EQE dit que toute AMG qu’elle soit, je n’aurai ni V8, ni même 4 cylindres, mais un couple de moteurs électriques.
Le gros SUV aussi agile qu’une citadine
Après avoir passé quelques minutes à m’appesantir que « tout fout le camps », que « c’était mieux avant » et que « un SUV électrique AMG, c’est n’importe quoi », je me décide quand même à faire mon essai ^^
Faisons le tour de cet EQE SUV : les lignes font immanquablement penser aux autres SUV de la marque à l’étoile, à vrai dire, on pourrait même penser avoir devant nous une « simple » déclinaison électrifiée du GLC mais non, l’EQE n’a aucun lien de parenté avec le GLC… ni avec aucun autre modèle thermique de la marque, puisqu’il repose sur la plateforme EVA2, commune aux différentes déclinaisons des EQE et EQS. Ainsi, en termes de dimensions extérieures, on se situe pile poil à mi chemin entre un GLC et un GLE. Et, autant le dire tout de suite, au volant, on a plus l’impression de rouler dans un véhicule au gabarit d’un GLC.
Surtout qu’avec les roues arrières directrices pivotant jusqu’à 10 degré, on se retrouve avec un rayon de braquage de 10,9 m (70 cm de moins que sur la berline… et surtout, à peine 10cm de plus que le diamètre de braquage d’une Mini 3 portes). Sans aller jusqu’à dire que la voiture se manie comme une citadine, ce point peut vite, à lui tout seul devenir un critère d’achat pour les citadins et pour ceux ayant un parking/box à l’accès compliqué !
Revenons aux lignes extérieures, si la vue de 3/4 arrière ne dépaysera pas l’habitué des SUV Mercedes, l’avant pourra sembler plus discutable. L’énorme calandre, lisse et bombée est sans doute favorable à l’aérodynamique, mais enlève la part d’agressivité qu’on retrouve chez les modèles thermiques. Toujours est-il que Mercedes a limité les risques en proposant des proportions plus classiques, et de fait moins clivantes que celles des berlines EQE et EQS.
Un intérieur (trop) technologique ?
Passons à l’intérieur : on voit tout de suite l’hyperscreen. Que dis-je ? On ne voit que l’hyperscreen !
En effet, le grand écran de commande qui s’étend sur toute la largeur du tableau de bord attire l’oeil : 1m40 partagés entre 3 écrans sous une immense dalle de verre ! Autant le dire tout de suite, c’est beau, c’est impressionnant… mais au final, je n’ai pas été plus convaincu que ça. Disons simplement que trop d’écrans tue l’écran.
Attention, je ne critique pas l’ergonomie de l’ensemble. C’est clair, hyper réactif et assez intuitif. Tous les boutons ont beau avoir disparus, on retrouve certaines commandes accessibles en permanence (les commandes de climatisation par exemple), ce qui est un moindre mal (mais j’aurais préféré garder quelques boutons, et surtout le trackpad des anciens systèmes qui permettait de régler le GPS sans tendre le bras jusqu’à l’écran tactile).
Une fois que l’oeil a réussi à se décoller de cet hyperscreen (ai-je déjà mentionné à quel point il est immense ?), le reste des finitions est tout à fait dans les standards de la marque, au niveau de ce qu’on pourrait trouver dans une Classe E.
Quand électrique ne rime pas avec ennuyeux
Je m’installe au volant, et, comme toujours dans les productions Mercedes, j’arrive rapidement à trouver une position idéale. Il est temps de mettre le contact…
Mon V8 6.2 s’ébroue dans un râle caverneux… Non…
Mon V8 4.0 bi-turbo glapit avec une sonorité sourde… Non…
Mon 4 cylindre turbo fait un son feutré… Non, Non et re Non !
Oui, notre AMG ne flattera pas nos oreilles tout de suite (enfin si, via la sono Burmester, encore meilleure que dans les autres Mercedes que j’ai pu conduire) électrique elle est, électrique elle restera. Je démarre donc en silence, et à la première accélération (en mode sport), les bruits artificiels viennent m’agresser les tympans. Je m’empresse de désactiver ces sons : ok, il est difficile d’admettre qu’une AMG puisse être électrique, mais les sons simulés, très peu pour moi.
Les petites routes de Haute-Savoie défilent, le Mont-Blanc se rapproche et je suis étonné par le comportement de cet EQE SUV. Un SUV de 2600 Kg (non, il n’y a pas de faute de frappe), que peut-on espérer ? Et bien contre tout attente, les suspensions Airmatic équipant notre 43 AMG arrivent à parfaitement contenir les mouvement de caisse lors des freinages appuyés et des courbes serrées. Le freinage se montre efficace (je n’ai néanmoins pas cherché à en atteindre les limites, mais à noter que des freins carbones sont disponibles en option), mais surtout, fait nouveau sur une Mercedes Electrique ou hybride, il se montre prédictible.
Ainsi si vous avez déjà conduit un EQC (par exemple), vous aurez sans doute noté que le passage du frein régénératif aux freins classiques se fait de manière plus ou moins douce et agréable… mais rarement de la manière attendue, avec en plus des variations de consistance à la pédale.
Et bien rassurez vous, ce n’est pas le cas sur notre EQE SUV 43 AMG du jour : vous avez l’impression de conduire un véhicule équipé de freins classiques et vous arrivez à doser correctement le freinage. Quel progrès ! Effaçant d’un coup un des principaux défauts des précédentes productions électrifiées de la marque de Stuttgart.
Sinon, avec mes 476 chevaux, mes 858 Nm de couple (non, pas de faute de frappe ici non plus) et mon 0 à 100 Km/h en 4,3s, je hausse le rythme.
Et comme la voiture se comporte toujours bien, que les roues directrices me font passer les épingles avec une précision déconcertante compte tenu de la taille et de la masse du véhicule, je hausse encore le rythme.
Les reprises en sortie de courbe se font sans temps mort (vive l’électrique… oops, je l’ai dit !) et ça me permet encore d’hausser le rythme. Là, je coupe l’excellente sono Burmester et baisse la fenêtre pour profiter du son du moteur (non, toujours pas). Non, je baisse la fenêtre pour écouter les pneus !
Car c’est là une nouvelle habitude à prendre : ne plus conduire au bruit du compte-tours, mais plutôt au bruit des pneus, qui, en allant du léger murmure au cris déchirant, vous disent à quelle vitesse vous êtes des limites d’adhérence.
Mais même là, l’EQE SUV amorce un léger survirage, un léger glissement de l’arrière… pour rapidement se remettre sur sa trajectoire et repartir de plus belle.
J’arrive sur des villages, ça me permet de relever le pied et de laisser la mécanique refroidir… je serais curieux de connaitre la durée de vie des pneus sur circuit.
Je passe le reste de la journée en conduite beaucoup plus posée, avec néanmoins quelques passages en off-road (il y a un bouton pour surélever la voiture de quelques centimètres… mais bon, ma monture s’affichant à 145.000 €, je me demande ce que je fais hors d’une route).
Les kilomètres s’enchainent, le moindre dépassement se fait d’un claquement de doigt.
Autant dire que je ne sais pas combien de kilomètres il m’aurait fallu pour vider l’énorme batterie de 90,6 kwh exploitables. La norme WLTP annonce 23,2 kWh/ 100 Km, pour une autonomie de 476 Km, c’est un sacrifice de quasiment 100 Km par rapport aux versions moins puissantes. Mon essai naviguait plutôt à 27 kWh ! Heureusement, il accepte une puissance de recharge rapide de 173 kW.
Autonomie limitée et tarifs premiums
La question qui se pose est de savoir si le surplus de folie apporté par AMG mérite de ce sacrifice sur l’autonomie ? Pour ma part, bien que j’ai été très agréablement surpris par les prestations dynamiques, je suis mitigé.
Comme je l’ai écrit plus haut, notre modèle d’essai, particulièrement optionné, affichait un tarif de 145.000 €. Cependant, il faut garder en tête qu’en série (133.000 €), cette 43 AMG dispose déjà de tout l’équipement nécessaire (et même plus). Les principales options proposées se limitent aux marchepieds (capables théoriquement d’améliorer l’aérodynamique et de baisser la consommation), à l’hyperscreen et aux freins céramique. Pour ma part, si je devais choisir, je troquerais volontiers l’hyperscreen contre les freins céramiques.
Sur les finitions inférieures, les suspensions Airmatic optionnelles et les roues directrices me paraissent indispensables, tant elles transfigurent le comportement de la voiture.
Au niveau de la concurrence, on se retrouve directement face au BMW iX, testé il y a quelques mois. L’iX est légèrement plus imposants, moins cher et offre une autonomie supérieure (pour la batterie de 108 kwh qui équipe la version xDrive50. Par contre, en termes d’assistance à la conduite et de dynamisme, l’EQE SUV 43 AMG va plus loin.
Allons, il est temps de rendre les clefs, de remonter dans le TGV, mais maintenant, je peux le dire : oui, j’ai pris du plaisir au volant d’un SUV électrique de 2,6 tonnes.
Au point que, comme un enfant qui en voudrait toujours plus, je me demande ce que peut bien donner la version 53 AMG, avec ses 625 chevaux…